Cannes 2016 – Section Un Certain Regard

Posted by VisiteurDuSoir in Actualité, Critiques de films

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Un Certain Regard
Festival de Cannes 2016

De retour de notre pèlerinage annuel à Cannes, nous vous proposons ici notre compte-rendu des films de la section Un Certain Regard du festival.

Cette année, nous retiendrons d’abord trois films de trois nationalités différentes : 

Le premier film du roumain Bogdan MiricaDogs (Caini)qui témoigne d’une vraie puissance stylistique. La façon de raconter par ellipses, par temps morts, par non-dits est très intéressante et originale.

Nous avons apprécié ce territoire de nulle part, cet « outre-terre » où tout peut arriver. Nous avons eu plaisir à retrouver ce qui fait la richesse du cinéma roumain, une analyse sans complaisance d’une situation économique totalement dégradée mais toujours vue avec un certain humour traditionnel des pays d’Europe orientale et servie par une excellente distribution.

On a retrouvé avec bonheur l’acteur Vlad Ivanov qui jouait déjà dans le film Policier Adjectif (dont Inter Film a acquis les droits de diffusion suite à un visionnement à Cannes il y a quelques années). Cette fois-ci il a troqué le rôle de chef de la police locale en chef de la mafia locale, mais toujours avec le même talent.

A part une première séquence de dépeçage-décorticage certes symbolique mais franchement  pénible, nous aurions estimé Les Chiens comme un bon candidat à La Caméra d’Or.

Autre bonne « pioche », Inversion (Varoonegi), le film de Behnam Behzadi, bon représentant du cinéma iranien moderne, avec ses qualités (conflits familiaux décrits sans fard, intelligence des relations au sein d’un groupe, défense de la femme contre les préjugés sexistes intrinsèquement liés au contexte socio-culturel) et ses limites (pour des raisons de censure, toutes les attaques ou les mises en question sont feutrées, détournées, parfois susurrées seulement), porté par une magnifique actrice protagoniste.

Enfin, dans ce trio gagnant le nouveau film du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda, Après la tempête (Umi Yorimo Mada Fukaku), tire très bien son épingle du jeu. Délicat, intelligent et humain, sans apporter de révélation de mise en scène, mais avec finesse et élégance.

Parmi les autres films intéressants que nous avons retenus lors de notre séjour cannois, nous citerons :

Le film israélien Au delà des montagnes et des collines (Me’Ever Laharim Vehagvaot, D’Eran Kolirin), d’ Eran Koliran, qui n’a pas su renouveler, selon nous, la réussite d’un film qu’Inter Film diffuse également après l’avoir découvert à Cannes, La visite de la fanfare. Suivre à travers les quatre membres d’une famille « ordinaire » les péripéties et les cahots de la société israélienne était une gageure ambitieuse. « Qui trop embrasse mal étreint » comme dit le proverbe…

Le film du singapourien Junfeng Boo, Apprentice, qui traite son sujet central, la peine de mort, en se  concentrant sur les aspects techniques d’une pendaison, et esquive du même coup une bonne partie des questions liées à ce sujet.

Le film du japonais Kôji Fukada,  Harmonium (Fuchi Ni Tatsu), très réussi pendant la première heure avec sa description d’un couple sans histoires bouleversé par l’arrivée d’un mystérieux, élégant et discret compagnon de travail ; mais qui nous a nettement moins séduit dans les pics doloristes et cauchemardesques de la seconde partie. Dommage… Il y avait un air de L’ombre d’un doute dans cette exposition, qui ne parvient pas à faire le pont avec la cruauté violente dans laquelle bascule finalement le film.  

Deux films différents, Le Disciple (Uchenik) du russe Kirill Serebrennikov et Transfiguration de l’américain Michael O’Shea, mais l’un et l’autre dédiés à une dénonciation sociale : des effets du prosélytisme religieux pour le russe, du racisme anti-jeunes et anti-noirs dans le film américain.

L’un et l’autre nous ont malheureusement semblé être desservis par des mises en scène laborieuses et démonstratives, ainsi qu’un recours un peu systématique aux paraboles (carottes et préservatifs chez le russe, vampirisme chez l’américain).

Le film de Delphine et Muriel CoulinVoir du pays, qui part d’une idée intéressante (le sas de décompression psychologique sur le retour d’Afghanistan) mais se perd en route de méandres amoureux convenus en fêtes folkloriques.

Un premier film argentin, La longue nuit de Francisco Sanctis (La Larga Noche De Francisco Sanctis), de Francisco Márquez et Andrea Testa, sympathique et plutôt agréable témoin de talents prometteurs, mais qui n’a pas réussi à donner une véritable épaisseur à ce qui aurait pu être traité sous forme de nouvelle de quelques pages.

Enfin deux films qui n’ont pas suscité notre intérêt, tous deux en provenance des Etats-Unis :

Hell or high water de David Mackenzie, moderne western sans chevaux ni souffle, qui possède malheureusement tous les tics de ce qui fait les mauvais westerns (l’attaque des banques, la longueur gratuite des « gun fights », le shérif qui comprend tout sans bouger ou presque de son bureau, la romance narcissique …). Difficile dans ce sens de faire un lien flatteur entre ce film et les modèles que le genre a produits, de King Vidor à Anthony Mann, de Raoul Walsh à John Ford…

Captain Fantastic, de Matt Ross, classique drame américain parsemé d’ambitieuses références à Noam Chomsky, Platon ou Marx qui sonnent faux et ne sont pas vraiment portées par le jeu oubliable de Viggo Mortensen et une écriture conventionnelle.

Comme chaque année, la section Un Certain Regard a présenté un large éventail de films éclectiques et de réalisateurs de tous horizons, qui constituent toujours pour nous une source passionnante d’exploration et de découvertes cinématographiques. C’est également pour nous l’occasion de choisir quelles nouvelles acquisitions apparaitront au catalogue d’Inter Film.

En complément de cet article, n’hésitez pas à consulter sur ce blog les articles, rédigés par Henri Bouchous, concernant sa sélection des films de la compétition officielle.

- Guy Bertrand, Inter Film

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