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FICHE TECHNIQUE

DISTRIBUTION

Fiche technique : Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Partie de campagne (film) de Wikipédia en français (auteurs)

RESUME

Été 1860. M. Dufour, un commerçant parisien, vient passer une « journée à la campagne » en famille pour la fête de son épouse, avec sa belle-mère, sa fille Henriette et son commis et futur gendre Anatole. Ils s’arrêtent à l’auberge du père Poulain près de Bezons (alors en Seine-et-Oise), pour déjeuner sur l’herbe au bord de l’eau. Rodolphe et Henri, deux canotiers, entreprennent de séduire Mme Dufour et Henriette…

CRITIQUE

Tourné durant l’été 1936, et distribué en salle seulement dix ans plus tard, Partie de Campagne est un objet cinématographique unique dans l’histoire du cinéma et celle de Renoir. Malgré les problèmes rencontrés durant le tournage, qui fut interrompu pour ne jamais être repris, et par conséquent l’absence de quelques scènes prévues au départ pour être intégrées au film qui ont ramené celui-ci à une durée réduite (40 minutes), Partie de Campagne peut être considéré comme « un film parfaitement terminé », comme l’écrivait André Bazin,  qui marque un moment clef dans la carrière de Renoir. 

Le film réalise la prouesse de créer un pont parfaitement organique entre la modernité de sa liberté de ton, de son sensualisme épicurien, de son regard à la fois tendre et cynique sur les psychologies qu’il met en scène à travers une somptueuse photographie en décors naturels, et le passé nostalgique auquel il rend hommage : celui de la nouvelle de Maupassant (datant de 1881) qui soutient tout le film et le maintient dans une observation tendue et voyeuriste de ses personnages, et celui des toiles de son père, auxquelles il rend constamment hommage dans ses choix de cadrage et d’éclairage, créant pour l’occasion sa propre interprétation d’un impressionnisme photographique moderne.

Renoir, comme dans La Règle du Jeu dont Partie de Campagne est l’ange annonciateur par bien des aspects, y emprunte cette fois également un costume d’acteur en s’attribuant un rôle qui, d’un point de vue narratif, n’était pas indispensable, mais dont la figure porte en elle tout l’esprit sous-jacent : le père Poulain, en incitant les personnages du film à la jouissance (de la bouche, puis charnelle – sous l’égide de l’abondance, dans un cas comme dans l’autre -), qui entrevoient la possibilité du bonheur lors de ce moment hors du temps et éphémère qu’est, précisément, cette partie de campagnese confond avec le deus ex machina taquin et jouisseur qu’était Renoir lui-même – et avec le regard tragique qu’il porte toujours sur ses personnages et le cynisme caractéristique de Maupassant, puisque ce bonheur entrevu par Henriette disparait dès cette parenthèse refermée qu’est le film pour la faire retomber dans la médiocrité désespérante de son mariage.

L’histoire a retenu à juste titre quelques-uns des plans les plus marquants du film : la scène de la balançoire, en caméra portée, qui aspire le regard dans son mouvement hypnotique de balancier; la séquence du baiser, en très gros plan volontairement flou de l’oeil, perlé de larmes, de Sylvia Bataille, en regard caméra… Comme toujours chez Renoir, les prouesses techniques (elles sont nombreuses) sous-tendent son propos et lui sont dédiées. Loin de figer le film dans un formalisme rigide, elles fluidifient au contraire la narration, donnent leur dynamique et leur rythme aux dialogues, construisent un point de vue, un regard, qui n’est plus celui, subjectif, des personnages, mais bien de la caméra qui les tient en observation.

C’est sans doute cette fluidité, dont le naturalisme pourrait presque passer pour de l’improvisation (Renoir parlait souvent de son art comme d’un art « documentaire ») alors qu’il n’a pu être obtenu que par une minutieuse préparation des plans et une écriture cinématographique constamment resserrée autour de ses thèmes narratifs, qui génère ce sentiment permanent de modernité que dégage Partie de Campagne, et qui trouvera son apogée, dans la carrière européenne de Renoir, avec La Règle du Jeu déjà citée. Renoir parle notre langue, ou plus exactement il l’invente, dans un mouvement quasiment proustien d’inclusion du passé (Maupassant, l’impressionnisme) à un langage cinématographique neuf.

En recréant autour de lui, le temps d’un tournage, une communauté, un groupe, presque une fraternité, Renoir est parvenu à instiller à son film une liberté de ton, tojour à la fois tendre et cynique, qui en font un objet rare de l’histoire du cinéma. Ce groupe constituant l’équipe bénévole, contenait parmi ses assistants, soit dit en passant, quelques-unes des personnalités les plus marquantes de la scène artistique d’après-guerre : Yves Allégret, Jacques Becker, Jacques Brunius, mais encore Henri Cartier-Bresson et Luchino Visconti, excusez du peu!