La règle du jeu
Jean Renoir, France, 1939
1h48min
Comédie dramatique

Accueilli en héros à l’aéroport du Bourget, l’aviateur André Jurieux, qui croule sous les acclamations du public, est pourtant écœuré. Lui qui vient de traverser l’Atlantique dans le seul but d’impressionner la belle Christine de La Chesnaye est dépité de ne pas la trouver à son arrivée. Son ami Octave, compatissant à son chagrin, tente de lui remonter le moral en le faisant inviter dans un château en Sologne. Son propriétaire, Robert de La Chesnaye, un marquis volage marié à la frivole Christine, s’apprête en effet à y donner une partie de chasse suivie d’une fête aussi somptueuse qu’endiablée.
La Règle du jeu est un film qui met en scène des relations amoureuses et des tromperies dans le milieu aristocratique des années 1930 de façon comique. Des triangles amoureux se forment au fil du récit et donnent lieu à des revanches passionnelles.
La règle du jeu cherche à dépeindre la société aristocratique de la fin des années 30 à travers un point de vue omniscient. Durant le film, le spectateur suit les tromperies et les manigances de chacun des personnages et devient donc un témoin de ses secrets, ce qui lui confère une place de spectateur privilégié. Il survole les différentes classes sociales représentées, étant ainsi à la fois noble et domestique. Ce point de vue omniscient est en partie permis grâce à une caméra très mobile tout au long du film. La caméra suit les personnages et se fait discrète, donnant ainsi l’impression au spectateur qu’il assiste à des conversations privées qu’il n’est pas supposé écouter. De nombreux cadres dans le cadre accentuent également ce sentiment d’être en train d’épier une scène intime. Ainsi, le spectateur devient témoin d’une société aux nombreuses coulisses, mais qui peut aussi donner lieu à des relations sincères.
Le film de Jean Renoir est une comédie qui s’inspire des codes du théâtre du 18ème siècle pour traiter des relations amoureuses, sous la forme des « jeux de l’amour et du hasard » de Marivaux. Les personnages, qu’ils soient domestiques ou nobles, semblent déconnectés de toute réalité extérieure. En effet, une grande partie du film se déroule dans un immense château en Sologne qui fonctionne comme une micro-société, où chaque personnage a une fonction précise et ou chacun semble déterminé à dépasser sa fonction pour faire comme il lui plait et enfreindre les règles d’un « jeu ». Les séquences se déroulant dans le château sont marquées par des plans utilisant la profondeur de champ. Cette profondeur de champ met en avant le chaos des relations et exploite l’arrière-plan afin de révéler des tromperies au spectateur, tandis que les personnages ont le dos tourné. Là encore, le réalisateur confie au spectateur les secrets du château afin que celui-ci partage son œil critique sur cette société en décadence. De plus, la curiosité du spectateur peut être satisfaite grâce à la caméra mobile qui effectue de nombreux travellings avant. Ces travellings permettent de se rapprocher des conciliabules de chacun des personnages tout en restant dans une position d’observateur omniscient. On est de cette manière plongé dans l’intimité de tous les protagonistes.
De nombreuses courses poursuites ont lieu dans cet immense château. Elles sont caractérisées par des mouvements exagérés de la part des personnages qui sont alors tournés en ridicule. Ces courses poursuites peuvent rappeler notamment le cinéma burlesque de Charlie Chaplin ou encore Buster Keaton, deux réalisateurs qui aimaient apporter un œil critique sur des thèmes sociaux et politiques de leur époque.
Enfin, ce film est notamment mémorable en raison de la séquence représentant une pièce de théâtre accompagnée de la Danse macabre composée par Camille Saint-Saëns en 1874, jouée par un piano mécanique. Le motif de la danse macabre, symbole de la mort, souligne « la vanité des distinctions sociales », car la mort ne fait pas de hiérarchie entre les êtres, elle est fatale pour tous. Symboliquement, la danse macabre fait écho au sabbat des sorcières mené par Satan qui conduit le bal. Dans La Règle du jeu, la séquence de la danse macabre est caractérisée par une caméra qui va alors valser entre les différents personnages, s’arrêtant sur leurs faiblesses et leurs désirs et les suivant dans leur danse endiablée.
Madeleine Lèbre
Bande annonce
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