Source fiche technique : Wikipedia
« Carré 35 est un lieu qui n’a jamais été nommé dans ma famille ; c’est là qu’est enterrée ma sœur aînée, morte à l’âge de trois ans. Cette sœur dont on ne m’a rien dit ou presque, et dont mes parents n’avaient curieusement gardé aucune photographie. C’est pour combler cette absence d’image que j’ai entrepris ce film. Croyant simplement dérouler le fil d’une vie oubliée, j’ai ouvert une porte dérobée sur un vécu que j’ignorais, sur cette mémoire inconsciente qui est en chacun de nous et qui fait ce que nous sommes. » (Éric Caravaca)
Sélection officielle Festival de Cannes, Hors Compétition
La voix off d’Éric Caravaca résonne dans ce documentaire biographique comme un appel à la mémoire. La mémoire collective dessine avec le secret de famille des paysages à demi effacés. D’un côté la Grande Histoire avec l’exil de ses grands- parents, de ses parents, de l’Espagne au Maroc, du Maroc à l’Algérie se clôt par une « vie française ». Cette vie qu’il partage avec un frère cadet contient une image manquante. Cette image manquante est celle d’une petite sœur décédée en bas âge. Le réalisateur sait simplement qu’elle est enterrée dans le cimetière français de Casablanca, carré 35. Il suit le fil à rebours de cet évènement tragique, insiste auprès de sa mère, de son père afin de comprendre le sens de cette mort et de son déni. Sa quête se mêle à l’enquête, au Maroc puis en Algérie dans des pays marqués par la colonisation. Le réalisateur tisse les liens névrotiques du secret de famille avec le déni des atrocités commises au nom de la pacification. Des images choc d’une ville désertée (abattoirs en ruine, maisons délabrées) se mêlent au décor de l’époque heureuse d’avant la mort de Christine. Le cinéaste comble les images absentes par la fraîcheur et l’insouciance des images qu’il possède : films en 8 mm, classiques courses sur la plage. La jeune mariée est éblouissante. Mais la pellicule est fragile, le bonheur est fugace comme la trace sur la pellicule sauvée par la chimie des laboratoires.
Il y a du Modiano chez Éric Caravaca. Le cinéaste, par bribes et recoupements, adopte la posture d’un psychanalyste dont le divan serait l’écran de cinéma. Il connaîtra la vérité, ou presque. L’enquête aboutit, laissant pourtant intact le mystère des raisons et des motivations.
Annie Demeyere