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FICHE TECHNIQUE

 

Source fiche technique  : Wikipedia 

RESUME

Le docteur Germain, qui travaille dans une petite ville de province, recoit des lettres anonymes signées Le Corbeau l’accusant de plusieurs méfaits. Cependant il n’est pas le seul à en recevoir. Toute la ville est bientôt menacée et le fragile équilibre se défait, la suspicion règne. Le docteur Germain décide de mener une enquête.

CRITIQUE

Dans une petite ville de province, « ni d’ici ni d’ailleurs », comme l’indique le générique, les habitants reçoivent tous les jours des lettres anonymes. Le docteur Rémy Germain (Pierre Fresnay) est le principal objet de ces lettres. On le dénonce comme avorteur, calomnie qu’il traite par le mépris. La paranoïa s’installe car chacun voit ses secrets dévoilés, adultère, pratique abortive, addictions aux drogues. Le corbeau évoque cette vague nauséabonde de lettres de dénonciation reçues pendant la Collaboration. Chacun est soupçonné tour à tour. Il y a des liens familiaux, de vieilles amitiés qui font de la ville le chaudron de rancunes névrotiques. Le climat de peur est distillé par l’utilisation expressionniste des ombres. La sécheresse de la mise en scène donne au film son atmosphère de film noir où les dialogues ciselés déterminent les enjeuxmoraux sans sacrifier à l’action.

Pourtant le film a été interprété de manière contradictoire. Le contexte du tournage, sa réception font partie de la légende. Produit par la Continental, donc officine allemande, il a été interdit de longues années, a valu à Clouzot la relégation. D’une grande âpreté, il affronte les démons d’une époque, les transcende pour poser un regard lucide sur l’ambivalence du Bien et du Mal. Ginette Leclerc, amoureuse sensuelle, à la fois innocente et rouée, Laura, la femme du vieux psychiatre, Michel Lorzert, joué par Pierre Larquey, les personnages féminins comme les personnages masculins sont doubles. Jamais manichéen le film ne juge ni n’excuse les comportements bas. Il éclaire les émotions humaines comme la jalousie, les blessures narcissiques. Il n’y a ni victimes ni bourreaux. Michel Vorzet illustre l’incertitude des vertus et des péchés dans une scène d’anthologie. Il fait osciller devant les yeux de Rémy Germain un lustre où pend une ampoule nue d’une blancheur phosphorescente. Rémy Germain arrête le mouvement de pendule et se brûle. Dans ce seul plan, la métaphore de la vérité introuvable est incarnée par les moyens du cinéma. La blancheur de l’ampoule est trompeuse et dangereuse. Pierre Fresnay comme le spectateur est le jouet des faux-semblants, de l’hypocrisie et des secrets nauséabonds. Le secret de Rémy Germain n’est ni plus ni moins celui de tous les hommes.

Annie Demeyere