Fiche technique : Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Lola Montès (film) de Wikipédia en français (auteurs)
Le film est inspiré de la vie (racontée par Cécil Saint-Laurent) de la célèbre danseuse et courtisane du xixe siècle Lola Montez, qui fut l’intime de Franz Liszt et de Louis Ier de Bavière, jouée par l’actrice Martine Carol dont c’est le rôle le plus marquant de sa carrière.
Hymne à l’éternel féminin d’une poésie aussi baroque que cruelle, auréolé d’une beauté très sombre, le film est construit sur « l’indécence des spectacles fondés sur le scandale […] où l’amour et l’argent s’échangent indifféremment, où la célébrité est une marchandise ». Filmé par une caméra créative et virtuose de légèreté, son scénario décrit en une parabole tragique la fin de la vie de l’héroïne : désormais déchue, celle-ci est littéralement réduite à l’état d’animal de foire devant mimer, exilée à La Nouvelle-Orléans, sa propre existence pour survivre.
Lola Montès est le dernier film de Max Ophuls, et probablement son chef d’oeuvre. Sorti en 1955 dans des conditions difficiles (il est quasiment unanimement démoli par la critique de l’époque pour son traitement radical d’un sujet scandaleux – inspiré de la vie d’une danseuse courtisane du XIXème siècle -, bien que parallèlement défendu par un collectif d’artistes rassemblés par les Cahiers du Cinéma), le film est progressivement remonté par son producteur, et Max Ophuls en perd le contrôle jusqu’à sa mort en 1957.
Il faudra attendre 2008, après de multiples tentatives partielles de reconstitution de la version originale, pour qu’une version restaurée par la Cinémathèque française rende enfin au public le film dans toute sa splendeur d’origine. Connu pour sa virtuosité technique et l’exubérance de son imaginaire cinématographique, Max Ophuls avait en effet enfin trouvé, avec Lola Montès, les moyens financiers en proportion de ses ambitions esthétiques, grâce à un budget monumental pour l’époque.
Lola Montès, véritable tourbillon visuel et sonore en CinémaScope, entraine et enchaine Martine Carol, au sommet de sa gloire à l’époque, dans la déchéance sans pitié que vit son personnage de femme objet. Le cirque américain au sein duquel a lieu cette longue chute personnelle, orchestrée par un terrifiant Monsieur Loyal (Peter Ustinov) sert à la fois de prison, de cadre et de théâtre à la torture de Lola ainsi qu’aux flashbacks de sa vie sur lesquels ouvrent les rideaux du cirque. La caméra baroque d’Ophuls dévoile ce procédé cornellien de théâtre dans le théâtre par une série vertigineuse de plans séquences et de travellings zig-zaguant à travers un univers saturé de couleurs, constamment en mouvement, rayé de grilles, de barreaux, de cases dans lesquelles Lola se débat et s’enferme.
Si le choix d’un sujet à forte polémique par Max Ophuls fut ce qui fit scandale à la sortie du film, il semble aujourd’hui évident que c’est le traitement de ce sujet, et non le sujet lui-même, qui provoqua des réactions aussi démesurées. Lola Montès est un film sombre, souvent oppressant, qui traite sans la moindre pitié d’un sujet tragique, applicable aussi bien aux années 1950 qu’au début du XIXème siècle. Le contraste entre la « normalité », parfois la banalité des dialogues, souvent inaudibles car volontairement superposés, la dureté du propos, et la virtuosité baroque du traitement visuel et sonore est précisément ce qui fait l’unicité de ton de ce film et son style inédit.
Un film éblouissant à redécouvrir, dans sa version restaurée, cinquante ans après sa sortie d’origine, mais très en avance sur son temps.