Nuages Epars

(乱れ雲Midaregumo)

 

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FICHE TECHNIQUE

DISTRIBUTION

 

 

Source fiche technique  : Wikipedia 

RESUME

A Tokyo, une femme d’une trentaine d’années, Yumiko (Yoko Tsukasa), s’apprête à partir aux Etats-Unis pour accompagner la carrière de son mari diplomate. Mais celui-ci meurt brutalement dans un accident de voiture. Le responsable de l’accident, Shiro Mishima (Yûzô Kayama), pétri de culpabilité, souhaite lui verser une pension. Elle refuse tout d’abord son aide, considérant qu’elle ne peut dépendre du « meurtrier » de son mari, mais finit par accepter sur les conseils de sa soeur, après avoir été rejetée par sa belle-famille qui lui retire ses droits de veuve. Ne supportant pas la fréquentation de Mishima, elle décide de quitter Tokyo pour la petite ville de son enfance, où sa belle-soeur tient une auberge sur les bords du lac Towada. Mais Mishima, auquel la société pour laquelle il travaille lui fait porter la responsabilité de l’accident, est muté lui aussi dans ce même village. Une série de rencontres, qui semblent presque inévitables, a alors lieu entre les deux personnages. D’abord violemment rejeté par Yumiko, Mishima finit par acquérir son respect, puis son amitié, pour finir par lui déclarer son amour. Un amour impossible, hanté par leur passé et la figure morbide du mari décédé.

 

CRITIQUE

Nuages Epars est le dernier film du prolifique cinéaste japonais Mikio Naruse, qui en signera quatre-vingt neuf durant sa longue carrière. Il mourra deux ans après la réalisation du film en 1967, qui constitue de ce fait un émouvant testament, tout en pudeur et en nuances. Ayant dédié une bonne partie de sa carrière au concept esthétique et spirituel japonais de mono no aware (« empathie envers les choses », ou encore « sensibilité pour l’éphémère »), il s’est fait une spécialité de décrire, avec un pessimisme teinté de mélancolie, la destinée de femmes souvent victimes de destinées difficiles. 

Le rapprochement avec Yasujirô Ozu vient immédiatement à l’esprit, bien que leurs styles cinématographiques soient très distincts, et que la renommée de Naruse, considérable au Japon, ait mis plus de temps à se répercuter en Occident. Dans Nuages Epars, souvent considéré comme l’un des chefs d’oeuvre du réalisateur, cette évocation d’une destinée cruelle est portée à son paroxysme, bien que pour une fois, le héros masculin du scénario ne soit pas une figure abusive, mais au contraire morale et généreuse. Ce qui fait toute la subtilité d’écriture de cette histoire d’amour impossible, c’est l’absence absolue de pathos, et l’apparente simplicité avec laquelle ce mélodrame est narré. Malgré la musique entêtante et parfois dramatique de Toru Takemitsu (qui a également travaillé, entre beaucoup d’autres, avec Akira Kurosawa), la réalisation de Naruse reste toujours comme en retrait du drame qui se joue, dans une posture d’observation empathique mais jamais surjouée. 

Naruse était connu pour posséder une conception très fixée, presque rigide, de ses films avant même leur tournage. Accordant une importance primordiale au montage, il possédait une vision pré-déterminée de chacun de ses films, entièrement dépendante d’un minutage rigoureux et pré-établi que le tournage se « contentait », en quelque sorte, de suivre à la lettre. Contrairement à Ozu qui y faisait parfois appel, Naruse ne laissait pas non plus de place à l’improvisation de ses acteurs. Ceux-ci ont souvent témoigné de son absence complète de commentaires et d’indications, lors du tournage, sur leur interprétation des scènes. Ce qui ne rend paradoxalement jamais le jeu de ses acteurs froid, ni distant. L’émotion est là, constamment, mais sous-jacente, presque souterraine, y compris dans les scènes d’approche amoureuse, de désir ou de souffrance.

L »expression de ces sentiments est toujours soutenue par un style cinématographique parfaitement maitrisé, fait de simplicité et d’élégance. Les plans, souvent relativement courts – mais qui se prolongent dans la dernière partie du film, au fur et à mesure que l’histoire d’amour, en même temps que le drame de son impossibilité, se nouent véritablement entre les protagonistes – sont majestueusement cadrés dans un format scope soutenu par un somptueux traitement des couleurs en nuances pastels. La caméra de Naruse, contrairement à celle d’Ozu, n’hésite pas à se mettre en mouvement si nécessaire, notamment lors de longs travellings. Les décors multiples passent avec fluidité d’environnements urbains et d’intérieurs modernes ou traditionnels à des plans en extérieur décrivant, dans la deuxième partie du film, une nature luxuriante au milieu de laquelle l’amour de ce couple hanté par le passé dramatique qu’il partage trouve enfin, provisoirement, un cadre à son idylle.

Le jeu des acteurs est lui aussi tout en retenue, jouant le drame sans pathos. Deux personnages presque comiques (la belle-soeur de Yumiko et son amant lourdaud) viennent teinter l’atmosphère, par ailleurs plutôt sombre, du drame qui se joue, d’une nuance légère et humoristique parfaitement intégrée à l’histoire. De nombreuses ellipses narratives, ainsi que des dialogues souvent simples, parfois volontairement minimalistes, jamais surjoués, viennent renforcer l’impression générale que le drame qui se déroule sous nos yeux possède sa dynamique propre, que rien ne pourra finalement détourner de la voie dans laquelle cet amour impossible s’engage à partir du moment, dès le début du film, où le hasard fait violemment apparaitre la mort au sein d’une rencontre qui n’en aurait pourtant pas été une sans cet événement originel incontournable. De ce point de vue, la conclusion du film, particulièrement émouvante dans la pudeur et le pessimisme qu’elle évoque en deux simples plans, sert de conclusion saisissante à un film qui trouve, de bout en bout, les moyens de nous interroger sur son issue.