Cannes 2019 – Henri Bouchous

Posted by VisiteurDuSoir in Actualité, Critiques de films

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Près de 100 longs métrages étaient projetés cette année à la 72ème édition, toutes sections confondues : Compétition (C), Hors Compétition (HC), Un Certain Regard (UCR), la Quinzaine des Réalisateurs (QR), la Semaine de la Critique (SC) et Acid (A).
Sachant qu’un festivalier moyen est dépendant des invitations qu’il a ou qu’il n’a pas, de la durée du film qu’il souhaite voir, de l’affluence ou de la capacité de la salle, du timing de la journée… sans parler de ses goûts ou de la fatigue qui ne manque pas de se manifester insidieusement surtout vers la fin du Festival… En voir le tiers peut être considéré comme un objectif ambitieux. Les deux tiers restants étant une source de frustration assurée.

Sans parler des films déjà dans le circuit d’exploitation, quelques réflexions subjectives et partiales :

D’abord 2 OVNIs :

Liberté

d’Albert Serra – UCR

 

2 h12 en compagnie de libertins du XVIIIème siècle expulsés de la cour puritaine de Louis XVI, la nuit dans une clairière à se livrer à des jeux pervers et sado-maso. Inspiré librement du Marquis de Sade, le film déroule le programme licencieux de ces représentants en mœurs libertines à la cruauté sophistiquée. Pour érotomanes avertis exclusivement.

Jeanne

de Bruno Dumont, adapté de Charles Péguy - UCR

 

Joué par une actrice de 10 ans, par ailleurs étonnante. B. Dumont se justifie en disant que toutes les comédiennes qui ont interprété Jeanne d’Arc n’avaient pas l’âge du rôle. Comme souvent chez Drumont, le texte est dit par des acteurs qui le récitent par cœur avec, à certains moments (les voix qu’entend Jeanne, le procès…) une musique du chanteur Christophe qui apparait dans le film.

Ensuite un véritable coup de cœur :

Give Me Liberty

de Kirill Mikhanovsky - QR

 

Le synopsis disait : « Un jeune américain d’origine russe conduit une camionnette médicalisée pour handicapés. Conduisant à contrecœur une douzaine de vieux russes à des funérailles, il s’arrête en chemin pour prendre une femme atteinte de la maladie de Charcot… » Il y avait plus vendeur comme résumé ! Heureusement le synopsis concluait : « C’est alors que sa journée devient incontrôlable… » et que le film prend toute sa saveur. Cette comédie sur une Amérique invisible, celle des retraités, des handicapés, des délaissés… toujours traités avec une grande humanité, se consomme frénétiquement en ne laissant pas au spectateur une seconde de répit. C’est une petite pépite par son rythme et son ton.

Puis de belles surprises :

Adam

de Maryam Touzani - UCR

 

Film Belgo-Marocain qui raconte la rencontre fortuite entre une veuve, mère d’une fillette, qui tient une pâtisserie dans la Médina de Casablanca et une jeune femme enceinte. Cette rencontre de 2 femmes qui fuient leur réalité va changer leur vie à toutes les 2.

Viendra le Feu

de Olivier Laxe - UCR

 

Un film Galicien, parlé en Galicien, sur la longue errance d’un pyromane sortant de prison et qui rejoint sa mère dans sa région natale jusqu’à ce que le feu reprenne son dû et détruise tout sur son passage. De beaux paysages et des scènes apocalyptiques.

Et Puis Nous Danserons

de Levan Akin - QR

 

Un récit initiatique dans le milieu de la danse Géorgienne, plutôt conservateur. Vaut essentiellement par sa musique euphorisante et ses scènes de danse spectaculaires.

Il Etait Une Fois à Trubchevsk

de Larissa Sadilova - UCR 

 

Chronique d’un adultère entre 2 voisins dans ce petit village russe et qui doivent choisir entre créer une nouvelle famille ou bien revenir à la vie d’avant. Comédie traitée avec humour et tendresse.

Indiarana

de Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa - A 

 

Documentaire Brésilien sur un leader transgenre qui défend les droits des LGBT, très présents cette année sur la Croisette dans de nombreux films.

Le Traître

de Marco Bellochio - A 

 

L’histoire vraie de Tommaso Buscetta, un membre influent de la Mafia, qui décide de collaborer avec le juge Falcone et trahir ainsi le serment fait à Cosa Nostra après que ses proches aient été assassinés les uns après les autres. Réaliste et glaçant.

Et aussi quelques déceptions :

Once Upon a Time Hollywood

de Quentin Tarantino - C 

 

C’est plus un film reposant sur des situations (comme dans un film à sketches) qu’une véritable histoire. Tarantino nous refait le coup de « inglorious bastards » à l’envers en remplaçant Hitler par Sharon Tate et les Nazis par les illuminés de la secte de Charles Manson.

Sorry We Missed You

de Ken Loach - C 

 

Cette fois-ci, Ken Loach s’attaque à la précarité en suivant les mésaventures d’un chauffeur livreur uberisé exploité par son « employeur », surendetté, ayant des problèmes avec ses ados et victime de la violence de plus misérables que lui. A plus de 82 ans Ken Loach continue à s’insurger contre la misère sociale. On ne peut que louer sa constance et être d’accord avec lui sur le fond tout en regrettant son peu de renouvellement sur la forme.

Les Siffleurs

de Corneliu Porumboiu - C 

 

Le réalisateur Roumain s’aventure ici sur le terrain policier dans les pas d’un inspecteur corrompu qui, se sachant sur écoute, se voit enseigner par les mafieux avec qui il collabore, une langue sifflée ancestrale d’une ile des Canaries. Il faut être sensible à l’absurde et au burlesque pour apprécier pleinement ce récit difficilement crédible.

A signaler enfin une singularité : la présence de la sulfureuse Zahia, « une fille facile ». Ne vous méprenez pas : c’est le titre du film (QR). … 

- Henri Bouchous, Cinéphiles de la Poste et Télécommunications (Paris)

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