Cannes 2018 – impressions subjectives et partielles

Posted by VisiteurDuSoir in Actualité, Critiques de films

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Quelques remarques sur des films vus dans les différentes sections, étant entendu qu’il est bien sûr impossible à un festivalier normal de tout voir parce que la durée des films ne cesse d’augmenter au même titre que les queues pour entrer dans les salles.

Mettons tout de suite hors concours « Le livre d’image » de Jean-Luc Godard une histoire en 5 chapitres comme les 5 doigts de la main qui ouvrent le film et qui se termine par une « réflexion » sur le monde arabe d’aujourd’hui, constitué d’images documentaires et de fiction, d’extraits de films… le tout ponctué d’aphorismes typiquement Godardiens. On sent confusément qu’il y a du fond mais on a du mal à dire lequel…

Une bonne surprise à Un Certain Regard (UCR) : « Un grand voyage vers la nuit » de BI Gan, film totalement onirique où le passé et le présent, le rêve et la réalité se confrontent, avec la particularité de commencer en 2D et de passer en 3D dans sa seconde moitié.

Autre particularité technique qui se retrouve dans plusieurs films : l’intrusion de l’image animée qu’on retrouve en abondance notamment dans « Samouri road » de Stefano Savona (la Quinzaine) mais aussi dans « The house that Jack built » de Lars von Trier, hors compétition (HC).

Quelques films sont ancrés dans la réalité la plus crue : « En guerre » de Stéphane Brizé  sur la fermeture d’une usine (compétition), «Dombass » de Sergei Loznitsa (UCR) sur les évènements d’Ukraine, « Teret » de Ognjen Glavonic (la Quinzaine) sur les conséquences des bombardements de la Serbie par l’OTAN, « Capharnaüm » de Nadine Labaki (compétition) sur la vie infernale d’enfants au Liban, « Nous, les coyotes » de Hanna Ladoul et Marco La Via (ACID) sur les déconvenues d’un couple durant les 24 premières heures de leur nouvelle vie…

L’homosexualité et les jeunes de banlieue sont toujours présents avec « Plaire, aimer et courir vite » de Christophe Honoré (compétition), « Rafiki » de Wanuri Kahiu (UCR) un film Kenyan sur l’homosexualité féminine, « A genoux les gars » de Antoine Desrosieres (UCR) sur les difficultés d’une sexualité épanouie dans certains quartiers difficiles…

De bonnes surprises… :

Hormis les metteurs en scène connus qui ont confirmé leur talent : KORE-EDA Hirokazu avec sa palme d’or méritée et consensuelle « Une affaire de famille » (compétition), Pawel Pawlikowski qui s’était fait connaître avec « Ida » et qui récidive avec « Cold war » (compétition) en filmant un amour impossible entre la Pologne stalinienne et le Paris bohème des années 50, le grand oublié du palmarès Lee Chang-Dong avec « Burning » (compétition)… et des confirmations avec Alice Rohrwacher  et son « heureux comme Lazzaro » (compétition) qui dépeint l’évolution d’un jeune paysan vivant à l’écart du monde et finissant par y entrer…

Cannes a permis de découvrir de nouveaux talents, notamment avec Kirill Serebrennikov qui dans son « Leto » (compétition) se penche sur la scène rock souterraine en plein essor en Russie en 1981, mais aussi à UCR « Border » de Ali Abassi sur une douanière flairant la culpabilité d’un individu grâce à son odorat extraordinaire, Etienne Kallos un sud-africain filmant le monde rural et conservateur des Afrikaners, ou bien, à la Semaine de la Critique Benedikt Erlingsson qui dans « Woman at war » qui raconte la guerre que déclare à l’industrie locale de l’aluminium une quinquagénaire islandaise.   

…et de moins bonnes :

Même lui, Ryusuke Hamaguchi, pourtant auteur des « Senses » qui sortent actuellement se demandait comment son « Asako » avait pu être sélectionné en compétition s’agissant de l’historiette d’une jeune fille rencontrant le double parfait de son premier amour.

« Under the silver lake » (compétition) de David Robert Mitchell qui s’imagine qu’en citant à tout va des scènes cultes de grands réalisateurs (Hitchcock de « Fenêtre sur cour », Polanski de « Chinatown »…) l’enquête obsessionnelle et surréaliste de son héros prendrait davantage de densité.

Et, last but not least, Terry Gilliam dont le cafouilleux et chaotique « L’homme qui tua Don Quichotte » ne méritait pas toute la publicité qui lui a été faite malgré les années passées à chercher à donner naissance à ce film. 

- Henri Bouchous, Ciné-club des Cinéphiles de La Poste (Paris)

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